Bien avant que les boxeurs Jean Pascal, Adonis Stevenson, Joachin Alcine et André Bertho conquièrent le titre mondial dans leur discipline, un jeune Haïtien du quartier Rosemont faisait la pluie et le beau temps dans le monde du kick-boxing au cours des années 1980. Son nom est Ducarmel Cyrius, et il est le premier Haïtien à avoir été couronné champion du monde en sports de combat.
Ducarmel Cyrius, qui est surnommé « Duke », était doté d’une force herculéenne, d’une vitesse qui dépassait l’entendement et d’un calme placide.
Sans prétention aucune, je ne pense pas qu’il y ait une personne qui puisse relater les faits marquants de la carrière sportive de Ducarmel autant que moi.
Je dis cela pour la simple et bonne raison que je lui voue une admiration sans bornes et que j’ai été aux premières loges du parcours qui l’a mené au sommet de son art.
Né dans le département de l’Artibonite, en Haïti, Ducarmel s’est installé au Québec avec sa famille durant les années 1970. Dès son jeune âge, il démontre ses talents sportifs en s’illustrant au hockey, au baseball et à la lutte gréco-romaine.
À l’adolescence, pour combler ses temps libres, il fréquente les salles d’activité du Bureau de la communauté chrétienne des Haïtiens de Montréal (aujourd’hui BCHM), et s’inscrit à l’école d’arts martiaux (Yosekan) de l’organisme communautaire, qui a été fondé en 1972 par les regrettés leaders Paul Déjean et le prêtre jésuite Karl Lévêque.
Le fondateur et professeur de cette école d’arts martiaux n’était nul autre que Karl Lévêque, qui valorisait le potentiel athlétique de ses élèves.
Ducarmel n’a pas mis de temps pour gravir les échelons de gradation de sa discipline, changeant de ceinture presque mensuellement.
En moins d’un an, il est devenu le visage de l’école et a multiplié les victoires dans les tournois d’arts martiaux à travers la province.
Je manquais rarement les séances du grand maître Karl Lévêque, épiant tous les faits et gestes de Ducarmel Cyrius. C’était mon idole et celui d’un bon nombre de gens qui se rassemblaient dans la grande salle du BCHM pour le voir en spectacle.
Je me souviens d’une fois où des karatékas d’une autre école étaient venus défier subtilement les élèves de Karl Lévêque. Comme dans les films de Bruce Lee, Ducarmel a défendu l’honneur de son école avec brio.
Après 18 mois d’activité au Yosekan, Ducarmel n’avait plus rien à prouver. Il a démontré qu’il était prêt à relever de nouveaux défis, et c’est ainsi qu’ il s’est joint au Club de kick-boxing de Joe Odman, en 1982.
Certes, l’entraîneur Joe Odman comptait déjà dans ses rangs des étoiles du kick-boxing, toutefois l’arrivée de Ducarmel a rehaussé le niveau de son club.
Il importe de souligner qu’au début des années 1980, le kick-boxing a connu un bel essor au Québec grâce au promoteur Réal Massé et au champion du monde Jean-Yves Thériault, qui est né au Nouveau-Brunswick.
Et je dirai sans hésiter que Ducarmel était l’un des préférés de Réal Massé, et ce dernier s’assurait de la participation du jeune Haïtien à la majorité de ses galas de kick-boxing, qui se tenaient généralement à l’Auditorium de Verdun.
Ce texte disparaîtrait dans le vide si je n’y apposais pas le nom du kick-boxeur Alain Bonnamie, qui est monté sur le ring contre Ducarmel à trois reprises (deux victoires de Ducarmel et un match nul).
Il m’aurait également été impossible de parler de ceux qui ont contribué à la popularité du kick-boxing dans la Belle Province en taisant les noms de Jersey Long et Darell Henegan, deux superbes kick-boxeurs issus de la célèbre école de Taekwondo du grand maître Chong Lee.
En 1985, le grand moment est arrivé pour Ducarmel Cyrius, qui était alors champion canadien : un combat pour le titre mondial contre le redoutable Américain Billy Jackson, qui détenait la ceinture chez les 147 livres.
Arrivé au Centre Paul-Sauvé, un dimanche soir, pour défendre son titre, Billy Jackson s’attendait à un « Walk in the park » (une partie de plaisir), comme le dit l’expression anglaise.
Eh bien, non, une surprise l’attendait.
Dès le troisième round, une gauche de Ducarmel l’envoie au plancher. Au round suivant, Jackson revisite le plancher lorsqu’il est atteint par un crochet. Par la suite, l’arbitre met fin au combat après un compte de 8 suivi d’un barrage de coups de poing sans riposte.
Ducarmel Cyrius l’emporte par TKO et devient ainsi le premier Haïtien champion du monde en sports de combat.
L’euphorie s’était emparée des 4000 spectateurs qui avaient bravé une tempête hivernale pour assister à ce combat historique.
Pour un jeune comme moi qui avait été témoin des premiers pas de Ducarmel dans le monde des arts martiaux, ce fut un moment magique.
Dans le vestiaire du nouveau champion, il n’y avait plus de place pour accueillir les gens. De gros noms du kick-boxing et des membres importants de la communauté haïtienne s’y étaient réunis pour féliciter Ducarmel.
Mais ce qui m’avait réellement émerveillé, c’était de voir un jeune à peine âgé de 10 ans, accompagné de son père, nous offrir un résumé du combat en mimant les coups de poing et de pied de Ducarmel Cyrius.
Et c’est à ce moment-là que j’ai su que la communauté haïtienne allait produire d’autres champions du monde.
Je vous invite à participer à la conversation en laissant un commentaire un peu plus bas sur le site. Merci.
2 Commentaires
Excellent Walter ! Merci pour ce moment d’histoire !
Merci beaucoup Etienne ! J’apprécie grandement.