Opinions

Gala Artis : la non reconnaissance des Noirs


J’adore le Québec. C’est mon « pays », mon chez moi. Mais souvent, il me déçoit par son entêtement à ne pas me reconnaître comme le sien. Il me désenchante par son refus d’admettre que son visage n’est plus aussi blanc, qu’il a pris de la couleur, que les Haïtiens et les Africains lui ont amené le soleil dont il avait besoin…

Gens du Pays, aujourd’hui, c’est votre tour de vous laisser parler de racisme.

En observant la liste des artistes mis en nomination au Gala Artis, hier, j’ai constaté que ce soleil qui a bruni le teint laiteux de la Belle Province n’est qu’illusoire.

Le temps est plutôt sombre, de nos jours.


Et aujourd’hui, le Gala Artis nous montre que la notion de diversité québécoise cadre bien dans l’oraliture, mais que dans le réel, elle est dysfonctionnelle.



Diversité ou division?

Depuis le lancement de la vidéo du 375e de Montréal qui homogénéisait la ville, la société québécoise sombre dans l’ignorance, dans la pauvreté interculturelle.

Depuis l’affaire SLAV, il m’apparaît que le Québec est divisé en deux solitudes : les Québécois « pure laine » d’un côté, et de l’autre, les Québécois « venus d’ailleurs », notamment les minorités visibles.

Et aujourd’hui, le Gala Artis nous montre que la notion de diversité québécoise cadre bien dans l’oraliture, mais que dans le réel, elle est dysfonctionnelle.

Quelle est donc la cause de ces vicissitudes qui nous rappellent constamment qu’au Québec, il y a le « Nous » et le « Eux »?

Un Gala Artis tout blanc

À force d’aborder ce sujet avec récurrence, je n’ai nul besoin de donner le ton à ma plume. En fait, elle est guidée par les termes « privilège blanc », discrimination raciale, exclusion raciale et, bien sûr, le racisme.

Vous en conviendrez que ces termes malaisants ne rendent pas justice à la beauté de la Belle Province.

Néanmoins, disons que certaines vérités ne doivent pas rester inexprimées. Elles doivent être révélées au grand jour pour mieux exorciser l’esprit ségrégationniste qui domine la société québécoise ces jours-ci .

Cessons de faire de l’angélisme en pointant du doigt le faux vivre-ensemble québécois.

Qui peut changer les choses? Les privilégiés eux-mêmes, s’ils se libèrent de leur déni.

L’apport des Haïtiens à la société québécoise

Je me demande même si certains des nominés sont au fait de l’apport social et culturel de la communauté haïtienne au Québec.

Les producteurs, réalisateurs et artistes de la télévision québécoise ne savent-ils pas que durant les années 1960, l’intelligentsia haïtienne a grandement contribué à faire éclairer le Québec qui sortait de sa Grande Noirceur?

Personnellement, si j’étais Pierre Bruneau, journaliste aguerri, qui est l’un des nominés, je serais gêné de recevoir un prix à ce gala, sachant bien que l’Haïtien Georges Anglade est l’un des fondateurs de l’Université du Québec à Montréal, et que la télé québécoise ne reconnait pas ses semblables.

Le regretté géographe et politicien, Georges Anglade

Si j’étais Jean-Philippe Dion, l’animateur du Gala Artis, en présidant le gala, je penserais aux nombreuses infirmières haïtiennes qui font un travail colossal dans les hôpitaux de la province.

Et avant l’ubérisation de la ville, la plupart des participants de ce gala ségrégationniste étaient transportés du point A au point B « haïtiennement ».

Gens du Pays, un devoir de mémoire s’impose. Une lucidité intellectuelle est même souhaitable. Que pensiez-vous? Que tous ces braves gens qui contribuent à la société québécoise sont des fantômes?

Et les Haïtiens dont les aïeux ont francisé le Québec, n’auront-ils pas leurs nominations?

Un « mur de Berlin »

À vrai dire, je me demande à quand remonte la dernière fois que le Québec s’est regardé dans le miroir, afin de faire le constat de son changement démographique.

Petit, quand je regardais le Gala Artis à ses débuts, dans mon téléviseur noir et blanc, je ne voyais que le Blanc. À cette époque, nous n’étions que 60 000 à souhaiter que le petit écran affiche plus de Noirs que celui qui pense que « la Ligue des Noirs, c’est quatre nègres avec un fax ».

Or, en 2019, il est absurde que mes jeunes neveux et nièces ne perçoivent pas leur couleur dans leur écran en couleur, en regardant ce gala de la honte. En tenant compte des 250 000 Noirs qui vivent au Québec, il s’agit là d’une insulte, d’un anachronisme de l’apartheid de Pieter Botha.

Le Gala Dynastie

Le Gala Artis, le Gala Dynastie, deux solitudes qui fragmentent le Québec. Ces deux galas récompensant respectivement les artistes de leurs « communautés » sont un bel exemple du « mur de Berlin » qui sépare les Noirs des Blancs.

Au risque de me perdre dans un discours antinomique, j’avoue ne pas adhérer à l’idéologie de « l’État clandestin », mais dans de telles circonstances, je comprends les démarches de désintégration des organisateurs du Gala Dynastie.

Je n’ai aucune leçon de morale à leur donner. D’aileurs, je salue leur initiative communautariste.

Pour conclure, j’exhorte tous les Noirs conscients de cette injustice qui pérennise à dénoncer et boycotter ce rassemblement raciste qui intoxique la société québécoise.

J’invite tous les Blancs qui se sentent injustement privilégiés à faire preuve d’humanisme en trahissant ce système de la honte.

Et surtout, restons éveillés en ne se laissant pas berner par l’habituel recyclage de lettres d’escuses.


Pour prendre part à la conversation, laissez un commentaire au bas du texte. Merci.

Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

4 Commentaires

  1. Bonjour ,je suis une jeune femme de 22 ans et je viens de découvrir votre site web.J’adore votre façon de penser et les sujets dont vous abordez .

    Que pensez-vous des jeunes d’origines haitiennes (soi issu d’un metissage ou de deux parents noirs ),quant à leur attachement à haiti?quel est l’avenir d’haiti avec une diasporas qui semble de plus en plus détachée de ce pays ,autreafois appelé la perle des antilles?

    Étant une jeune femme native d’haiti ,je vous avoue que je me pose souvent cette question.

    Bonne continuation.

    • Walter Innocent Jr Répondre

      Bonjour Fabienne! En premier lieu, je vous remercie pour ces mots élogieux. Quant aux jeunes d’origine haïtienne, il y a une sorte d’ambivalence dans leur pensée. Selon moi, ils n’assument pas totalement leur haïtiannité et ils ne revendiquet pas leur québécitude. N’est-ce pas une situation ambigüe?

      Je crois que la diaspora est attachée à Haïti, mais malheureusement, certains d’entre nous regardent le pays de Dessalines avec un oeil condescendant. Quelle tristesse!

      Et je tiens à vous féliciter pour votre esprit critique à un si jeune âge. Bravo!

      Merci pour votre visite et j’espère vous lire à nouveau.

  2. Bonjour Walter. It’s been a long time. J’avais une foule de préoccupations. Je me disais qu’il faudrait bien que je commente les articles de Walter. Tonight is the night.

    Gala Artis, géré par Québécor de Péladeau! Mais qu’espérais-tu Walter? Ce type est la réplique québécoise de Trump. Il se nourrit avec la division. On a qu’a lire les nombreuses chroniques du Journal de Montréal. Elles sont toutes orientées dans le but de plaire à la majorité dite « pure-laine ». En fait plaire est un mot faible, le tout est conçu pour que les « pure-laine » les plus craintifs (ils sont nombreux!) perçoivent Québécor comme étant leur ultime protecteur.

    Tu écris « À vrai dire, je me demande à quand remonte la dernière fois que le Québec s’est regardé dans le miroir, afin de faire le constat de son changement démographique ».

    Voilà une phrase surprenante. Une partie toujours plus grande du Québec profond fait ce constant et elle en est traumatisée. On lit ou entend très souvent que des gens ne veulent pas mettre les pieds à Montréal car ils ne s’y sentent plus au Québec.

    Tu demandes « Qui peut changer les choses? » Une façon serait de boycotter tout ce qu vient de Québécor, tout particulièrement Vidéotron. D’ailleurs, je ne comprends pas qu’un tel mouvement ne soit pas déjà en pleine force parmi les diverses communautés culturelles montréalaises. Péladeau mettrait de l’eau dans vin assez rapidement, merci.

    • Walter Innocent Jr Répondre

      Boycotter Québécor. Voilà la clé et le problème à la fois. Il y a des gens, pour des raisons, ne peuventavoir que Videotron. D’autres… ne croient pas au boycott. Mais, oui, tu as raison, la prochaine fois, j’inciterai les gens à penser à cette démarche.

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