Opinions

Haïti, Pays Mal-Aimé


Contrairement à ce qui est véhiculé dans la presse occidentale, Haïti, berceau de la liberté, n’est nullement condamnée à ne connaître que des catstrophes naturelles et humaines. L’omniprésence du terme malédiction dans les pensées du monde occidental est une continuité de l’antihaïtiannisme qui a pris naissance en 1804, année à laquelle Jean-Jacques Dessalines a proclamé l’indépendance du pays.

Haïti, depuis quelques décennies, est le lieu de prédilection des médias occidentaux, qui voient en elle l’exhibitionniste idéale de la misère. La souffrance et la pauvreté sont les éléments qui lui rendent photogénique aux yeux des photographes et caméramans.

« Souriez! », ou plutôt, « pleurez ! » semblent vouloir ordonner ces chasseurs d’images aux victimes des inondations. Fatalité, terre martyre et châtiment sont les mots les plus souvent utilisés pour décrire les images horrifiantes, qui, à la fois, tourmentent et réconfortent les télespectateurs réjouis d’être des citoyens du dit « premier monde ».

C’est un voyeurisme de la misère dans le confort de l’Occident.

L’acharnement anti-haïtien

Dans un de ses reportages sur Haïti, un quotidien montréalais a titré « Haïti, pays maudit ». Un titre opportuniste, qui risque de nuire aux affaires touristiques du pays. De toute évidence, Le journalisme jaune est le propre de ce quotidien, et informer les gens devient secondaire.

Par ailleurs, une petite recherche sur le sens du mot maudire dans le dictionnaire Larousse m’a estomaqué. Selon ce dictionnaire, maudire, dont l’adjectif qualificatif est maudit, signifie: vouer quelqu’un à la damnation éternelle. Par exemple, Dieu a maudit Caïn.

Ne flairez-vous pas une forme d’hypocrisie et de contradiction de la part de cette équipe journalistique, composée de gens issus du Québec, société qui a rompu tous liens avec Dieu? Donc, Dieu pardonne l’anticléricalisme d’une société, mais en punit une autre pour son vaudouisme? Cest-à-dire que le Québec est sauf, et qu’Haïti est damnée?

Considérant les allégeances politiques de ce journal, l’indépendance de ce soi-disant « pays maudit » a sûrement joué un rôle dans son acharnement anti-haïtien.

Affirmer qu’Haïti est l’ambassade du diable sur terre est une simplification de la pensée. Et une indigence de valeurs humaines.

Il est professionnellement irresponsable que des journalistes fassent , en roue libre, la radiographie des problèmes de la terre de Dessalines en excluant certains contextes historiques. Une historicisation approfondie du colonialisme est essentielle à l’examen. La négligence de cet aspect crucial est une forme de révisionnisme qui protège l’oppresseur et… qui réduit l’opprimé

Jean-Jacques Dessalines

Comprendre le problème haïtien

Récemment, une réflexion qu’un ami a publiée sur sa page Facebook a attiré mon attention. « Savoir c’est bien. Comprendre c’est encore mieux. Comprenez-vous ce que vous savez ? », a-t-il écrit…

Or, avons-nous vraiment une compréhension du vécu haitien?

Connaissons-nous à fond Haïti, première République noire du monde?

Parfois, pour mieux comprendre la douleur de quelqu’un, on se met à sa place.

Je vous propose donc d’analyser un scénario dans lequel le Québec aurait dit OUI.

Oui à sa séparation du Canada, et qu’il devait verser 30 milliards de dollars à celui-ci, subissant en même temps un embargo économique des puissances mondiales, incluant un « bullying » de l’Oncle Sam; occupation militaire, vol de la réserve d’or du pays et ingérences permanentes dans les affaires québécoises.

Parions que dans de telles circonstances, la tempête de verglas de 1998, qui avait nécessité la présence des forces armées canadiennes, aurait fait beaucoup plus de ravage dans la Belle Province.

Assurément, les hivers du nouveau « pays » seraient désastreux. Le cafouillage survenu sur l’autoroute 13, lors de la dernière tempête de 2017 en est la preuve.

Cette mise en scène, version québécoise, est en réalité le drame haïtien, dont la France, les États-Unis et l’Angleterre en sont les auteurs. Un film noir qui est encore à l’affiche, dans l’indifférence générale.

L’élite haïtienne, influencée et soutenue par ce trio impérialiste, a également sa part de responsabilité dans la problématique haïtienne, étant donné qu’elle se soucie peu des intérêts collectifs.

Parlant de film, lors d’une conversation que j’ai eue avec le regretté Pierre Falardeau, réalisateur des films Elvis Gratton et Octobre, qui me décrivait sa relation amicale avec Dany Laferrière, il n’a pu résister à la tentation de politiser notre entretien. « Tu sais, y en a ben qui aimeraient être à votre place. Vous avez un beau pays, pis y est libre », m’a-t-il confessé.

C’est alors que j’ai compris que ce petit pays, si grand par son histoire, était envié par plusieurs. Le cinéaste québécois, séparatiste, et reconnu pour son franc-parler, venait d’alimenter un jeune haïtiano-québécois en quête de réponses.

Le cinéaste Pierre Falardeau

La liberté au prix fort

Non, Haïti n’a signé aucun pacte avec le diable. La signature qu’elle n’aurait jamais dû apposer était celle de 1825, lorsqu’elle a accepté de remettre aux Français ce tribut évalué aujourd’hui à 22 miliards de dollars pour dédomager les anciens colons. Cette indemnité en échange de la reconnaissance de l’indépendance d’Haïti s’est avérée, selon moi, le plus grand désastre de son histoire.

Ma décision de détruire l’autorité des noirs à Saint-Domingue, est non pas tant fondée sur des considérations de commerces et d’argent que sur la nécessité de bloquer à jamais la marche des noirs     –    Napoléon Bonaparte

Le colonialisme, l’impérialisme, l’antihaïtiannisme et l’ostracisation expliquent en grande partie l’infirmité du peuple haïtien en cas de catastrophes naturelles.

Cap-Haïtien, Haïti

Haïti chérie

Chérie par son peuple, et maudite par les envieux, Haïti demeure une obsession. Ce trésor des Caraïbes a fait saliver tous les pirates de l’Occident, De Bonaparte aux Clinton.

On a manifestement pillé ses richesses, mais jamais ne pourra-t-on lui ravir son beau soleil, ses plages magnifiques et son passé glorieux.

Haïti, paradis sur terre.


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Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

7 Commentaires

  1. Très belle article. Je vais partager et continuez d’écrire, vous avez une belle plume.

    • Walter Innocent Jr Répondre

      Merci Serge! À nous de diffuser cette triste Histoire cachée.

  2. Je viens de vous découvrir, vous êtes génial. J’ai une page sur Facebook consacrée à Haïti. Je vais vous étaler là dessus. Continuez ce travail, vous devriez avoir plus de vue. Je vous souhaite une longue vie et beaucoup de succès. Bon courage cher compatriote, je suis fière de vous.

    • Walter Innocent Jr Répondre

      Merci beaucoup Keish! Tes compliments sont très motivants, donc oui, je continuerai le travail. Quant à la question de vue, ce site est relativement nouveau, donc je n’ai pas encore installé le programme qui indique les statistiques de partage et j’aime qui étaient visibles dans mon ancien site. Merci pour l’intérêt, et à boentôt, compatriote.

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