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L’affaire Tyre Nichols et le masque blanc de certains policiers noirs


Si vous vouliez mettre en image l’essai « Peau noire, masques blancs », de Frantz Fanon, ne cherchez pas plus loin que l’affaire Tyre Nichols, où des vidéos montrent un automobiliste afro-américain qui a été passé à tabac nuitamment par cinq policiers. Des policiers noirs qui sont prêts à tout, à même tuer leurs semblables, pour être reconnus et acceptés par l’Amérique blanche.

En effet, Tyre Nichols, 29 ans, est mort trois jours après que les policiers de la brigade « Scorpion » du corps de police de Memphis l’ont assené de coups de poing, de pied et de matraque.

Il a même été aspergé de gaz lacrymogène et visé par un pistolet Taser à décharges électriques, alors qu’il criait : « Maman ! Maman ! Maman ! », lors d’un banal contrôle routier, le 7 janvier.

En visionnant les vidéos, il est difficile de voir Tyre Nichols étendu sur le sol, affaibli par la violence extrême des policiers, sans penser à George Floyd, qui, lui aussi, a fait appel à sa mère lorsque le genou du meurtrier Derek Chauvin était sur son cou.

Ces images horribles ont bouleversé le monde, et la communauté noire se questionne pour mieux comprendre ce qui s’est passé; qu’il s’agisse de policiers blancs ou noirs, le bilan demeure mauvais pour les Afro-Américains.

L’histoire se répète, avec des tueurs si proches.

Certains ont même évoqué le terme « Black-on-Black crime » (Crime Noir sur Noir), pour décrire l’insensibilité des policiers qui ont tué Tyre Nichols.

Je n’adhère nullement à ce concept réducteur, qui est répété machinalement autant par les Blancs que par les Noirs. Cette formule a été crée dans l’unique but de dédouaner l’oppression policière de toute responsabilité en ce qui concerne le respect et les droits de la population noire.

Pour élucider l’acte de ces policiers, dont Thadarius Bean, Demetrius Haley, Emmitt Martin III, Desmond Mills Jr. et Justin Smith, qui sont inculpés pour meurtre, il est plus approprié de cogiter sur notre complexe d’infériorité qui a été transmis de génération en génération.

Ces mots sont durs à prononcer ou à entendre, mais nous devons nous dire certaines vérités afin de surmonter quelques-uns de nos obstacles.

Par exemple, je vous pose la question suivante :

Ces policiers noirs qui ont tué Nichols auraient-ils agi de manière si brutale s’ils arrêtaient un homme blanc ?

Je réponds non.

À la suite du dévoilement des vidéos du meurtre de Tyre Nichols, les médias ont demandé à la cheffe de la police de Memphis, qui est également noire, si la brigade Scorpion était toujours pertinente, et elle a répondu avec fermeté que cette équipe policière resterait intacte.

Il a fallu que des voix au sein de son corps policier s’élèvent pour revenir sur sa parole.

Bien que la population de Memphis soit composée de 64,6 % de Noirs et de 27,1 % de Blancs, certaines personnes noires qui sont au pouvoir dans cette ville semblent vouloir s’enfermer dans ce que j’appelle le « mouripoulisme » et le « sousouisme », c’est-à-dire se complaire dans le système inégal et raciste de l’Oncle Sam.

Cette autocomplaisance, qui est aussi répandue au Québec, pousse certains policiers noirs jusqu’au mimétisme : ils agissent comme leurs collègues blancs et tombent dans un psittacisme en récitant leurs propos racistes, comme « le Noir est mauvais et méchant ».

Cerelyn J. Davis, cheffe de la police de Memphis

Il y a quelques années, en abordant le sujet du profilage racial avec une connaissance qui comptait plusieurs années de service au sein du SPVM, cette personne n’a pas pris de temps pour me dire : « Nou pa bon vre » ( nous ne sommes pas corrects, en parlant de la communauté noire ).

Tristesse.

Et pourtant, ces mots proviennent d’un chic type, que j’apprécie bien.

Une métisse, que j’ai brièvement fréquentée, qui faisait ses premiers pas dans la police, a tenu des propos similaires. Pour elle, 80% des crimes sur le territoire montréalais sont causés par les jeunes Noirs, et que chaque fois qu’elle devait patrouiller dans un secteur où il y avait une forte concentration de la communauté noire, elle était extrêmement craintive.

Dire que cette policière noire ne fréquente que des hommes afrodescendants relève d’un paradoxe identitaire qui ne peut être expliqué que par les effets négatifs de la colonisation.

Dans les années 2000, lors des belles années de la vie nocturne du boulevard Saint-Laurent, un policier noir se portait toujours volontaire pour régler le cas de ses semblables à la sortie des bars.

Cet individu était pathétique. Il mesurait environ 6’5, et son caméléonisme était palpable : il parlait un québécois beaucoup plus prononcé que ses collègues et n’interpellait que les Noirs. Bref, il réunissait toutes les conditions pour être un policier brutal : ignorant et lâche.

Une fois, nos regards se sont croisés à l’intersection des rues Prince-Arthur et Saint-Laurent. En s’approchant de moi, il murmurait des mots dénigrant la communauté noire. Je l’ai alors confronté intellectuellement, et il a sorti l’arme destructrice des colons, à savoir le mot n*gre.

Diagnostic de ce frère policier : un aliéné qui a vendu son esprit au plus offrant.

Par souci de plaire aux Blancs, certains policiers noirs s’efforcent de refléter les comportements racistes de leurs collègues blancs.

Or, sans le processus de décolonisation mentale, il est très difficile pour les policiers noirs de dénoncer les violences policières perpétrées contre les Afrodescendants, que ce soit aux États-Unis ou au Québec.

Il convient toutefois de souligner qu’à Montréal, il existe quelques frères et sœurs vêtus de l’uniforme bleu qui sont préoccupés par le profilage racial. J’ai eu vent de ce mécontentement par une source sûre.

Je termine ce texte par une question qui n’est pas en soi une question piège, mais qui comporte un mot qui a été piégé par mon imagination fertile.

Les cinq ex-policiers qui sont impliqués dans l’affaire Tyre Nichols ont-ils été des policiers au service des citoyens ou des policiers noirs au service du Blanc ?

Être ou ne pas être : telle est la question qui… tue.


Je vous invite à participer à la conversation en laissant un commentaire un peu plus bas sur le site. Merci.


Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

4 Commentaires

  1. Bonjour ,

    J’aime beaucoup vos chroniques et je les partage souvent.

    Je crois qu’il ne faut pas écarter le « Black-on-Black crime » de l’équation. Surtout sa surreprésentation de la musique rap et nos émissions de télévisions. Nous sommes de la même génération je crois. Durant notre adolescence, c’était Public Enemy dans le rap et Cosby Show et A Different World à la télé. Aujourd’hui, c’est le Drill et les séries Power de 50 cent.

    Bien souvent, nous avons tendance à banaliser la violence dans nos quartiers comme étant «part of the game». D’ailleurs, la réaction des Afro-Américains me semble un timide. Je me souviens du boycott des Bucks de Milwakee suite à l’incident Jacob Blake.

    Je ne voudrais pas que black lives matter only when the shooter is white.

    Merci

  2. Jean-François Répondre

    La théorie du racisme systémique a toujours été fumeuse, mais vous lire aujourd’hui me permet de réaliser à quel point vous manquer complètement de lucidité.

    « Ces policiers noirs qui ont tué Nichols auraient-ils agi de manière si brutale s’ils arrêtaient un homme blanc ?
    Je réponds non. »
    Pas d’argument ni d’explication. Vous répondez non. Un non implacable qu’il ne semble pas possible de pouvoir questionner.

    Vous semblez faire preuve d’un aveuglement qui vous empêche de bien comprendre les enjeux de votre communauté, mais je vous le dire cash. Votre communauté a un très gros problème avec la violence. C’est le cas en Afrique, c’est le cas à Haiti, c’est le cas à Montréal, c’est le cas aux États-Unis, c’est le cas en Europe, c’est le cas aux Oscars etc. Vos communautés sont toujours surreprésentées dans les milieux carcéraux et c’est parce que votre population est plus violente. Ça commence dans les familles où l’éducation se fait souvent de façon violente. Ensuite il y a l’adulation des modèles violents que sont les rappeurs de gangsta rap qui promeuvent toutes sortes de violences allant du proxénétisme au gangstérisme. Vous semblez régler trop souvent vos problèmes par le recours à la violence. Cette violence n’étant pas acceptée dans les lois des sociétés occidentales, c’est le rôle de la police d’intervenir pour faire respecter les lois et, tient donc, les policiers trouvent qu’ils sont plus souvent qu’autrement en train d’intervenir sur des personnes noires. Vous criez au racisme intériorisé, mais c’est vous qui n’écoutez pas ce que vos amis noirs policiers vous disent. Comme les femmes disent actuellement aux hommes de se parler pour régler l’enjeu de la violence, il semble que ce conseil devrait également s’appliquer à la communauté noire. Autrement, vous pourrez crier au racisme comme vous voulez, mais vous devrez subir les effets délétère de la violence car cette dernière est destructrice.

  3. Bonjour cher Walter. A propos de ce sordide meurtre, j’aimerais apporté quelques points. Oui, tout a débuté par un banal contrôle routier, sauf qu’il semble que M. Nichols ait tenté de fuir à plus d’une reprise. Ce qui aurait enragé certains officiers. Je dis certains car du peu que j’ai vu, deux des policiers semblaient simplement vouloir maîtriser l’individu alors deux autres ont agi en brutes sauvages.

    Puisque Memphis est majoritairement noire, on pourrait peut-être considérer l’affaire comme un cas de violence policière ordinaire, indépendamment de la race des gens impliqués, un peu à l’image du montréalais blanc Barnabé battu à mort par des policiers blancs.

    Qu’en aurait-il été si le M. Nichols avait été blanc? Tout comme toi, je crois qu’il est presque certain que les policiers auraient été beaucoup plus gentils. C’est presque une évidence, malgré ce qu’en pense Jean-François. Pour la simple raison qu’ils auraient beaucoup plus craint d’être blâmés. Ce qui neutralise en partie la valeur de mon paragraphe précédent. Je ne suis pas porté à croire que les policiers les plus fautifs l’ont fait par mimétisme, mais plus parce qu’ils pensaient pouvoir se défouler à meilleur compte puisque la victime est noire.

    A Jean-Francois. Vos chères sociétés occidentales ont commises à travers l’histoire un grand nombre de massacres. Mais, revenons aux relations raciales aux USA. Il est bien connu que pendant le siècle suivant deux siècles d’esclavage, les Noirs américains étaient tellement violents qu’il fallait les pendre s’ils marchaient sur le pied d’un blanc, ou les battre à mort s’ils avaient le malheur de trop s’approcher d’une femme blanche ou de raser leurs quartiers s’ils étaient trop prospères.

    Si vous aviez lu Walter plus souvent, vous sauriez qu’il a déjà adressé la problématique que vous mentionnez. C’est plus une question sociale que raciale. Dans les années 60 et 70, dans quelle communauté les policiers intervenaient-ils le plus souvent? C’était chez les francophones blancs des quartiers pauvres de Montréal. Ceux-ci étaient plus pauvres que les anglophones en partie à cause de la discrimination linguistique. Y voyez-vous une certaine équivalence avec ce que vous écrivez? Est-ce que cela la thèse du racisme systémique un peu moins fumeuse?

    • Walter Innocent Jr. Répondre

      Salut Luc ! Tu apportes toujours de très bons points. En effet, on a vu que la partie où Nichols était malmené par la police. C’est pour cela qu’il est tujours bon de mettre les choses en contexte, toutefois, on peut se questionner sur la colère des policiers, que Nichols ait tenté de s’échapper à plusieurs reprises ou non. Quant à Jean-François, ouf. Je ne peux que te remercier pour ton intervention.

      À bientôt, cher ami !

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