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Le genou du SPVM et le déni québécois


Pour la fête des Pères, le plus beau cadeau que l’on puisse faire aux pères de la communauté noire du Québec serait de renforcer les mécanismes de lutte contre toutes les formes de discrimination, en particulier la discrimination raciale perpétrée à l’encontre de leurs enfants sur les lieux scolaires et dans la société.

Si une image vaut mille mots, alors la vidéo qui circule sur les réseaux sociaux, où on aperçoit un policier poser son genou sur le cou d’un jeune Afro-Québécois, illustre bien tous les maux dont souffre la communauté noire.

Des maux qui se traduisent par le profilage racial, les arrestations abusives, les fausses accusations et les humiliations corporelles et psychologiques.

Une histoire qui se répète

Vous en conviendrez que le bilan des hommes en uniforme bleu est peu reluisant en matière des droits des personnes noires.

En d’autres termes, le racisme anti-Noir et les pratiques violentes de certains policiers ont droit de cité à Montréal.

Oui, je sais, Gens de la Communauté, nous semblons patauger continuellement dans une immense tautologie, mais garder le silence sur la violation de nos droits est aussi lourd que le dossier du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Or, un petit retour en arrière nous permet de constater qu’aucun genou de la police n’a été posé sur le cou d’Alexandre Bissonnette, l’auteur de la tuerie de masse survenue dans une mosquée de Québec, lors de son arrestation, en 2017.

Notez bien le genou du policier appuyé au cou du jeune Noir de 14 ans

De ce fait, nous devons reconnaître et dénoncer le caractère racial de cet incident qui s’est produit dans le quartier Villeray le 10 juin dernier : un policier blanc, son genou étouffant et un adolescent noir plaqué au sol.

Une histoire qui, hélas, se répète d’une ville à l’autre, d’un pays à l’autre, d’une société à l’autre.

Pour défendre le policier fautif, Alfredo Munoz, un ancien expert en emploi de la force, a déclaré que : « Tout ce qu’ils utilisent, c’est ce qui est enseigné à l’École nationale de police ».

Or, un petit retour en arrière nous permet de constater qu’aucun genou de la police n’a été posé sur le cou d’Alexandre Bissonnette, l’auteur de la tuerie de masse survenue dans une mosquée de Québec, lors de son arrestation, en 2017.

Et que William Rainville, le criminel déguisé en homme d’affaires, qui a été arrêté avec 249 armes à feu il y a quelques mois, a également échappé à cette méthode d’intervention inhumaine.

C’est la manifestation du privilège blanc dans toute sa splendeur.

Un traumatisme collectif

Bon, des politiciens, y compris la mairesse de Montréal, se sont montrés préoccupés par cette affaire ; néanmoins, la récurrence de ces actes raciaux nous égare dans un labyrinthe systémique, rempli de pièges et de mensonges, dont la seule issue est la création d’un État dans l’État.

Poursuivant cette réflexion, je me permets de poser la question suivante :

La société québécoise serait-elle insensible au traumatisme collectif, à savoir la mort de George Floyd, qui gangrène la communauté noire depuis mai 2020 ?

Alors que les rigoristes de l’image angélique du Québec accusent les Afro-Québécois d’importer le racisme américain et le mouvement Black Lives Matter, un agent du SPVM, un fier résidant de l’univers de l’obscurantisme, s’est approprié les pratiques policières de l’États-Unien Derek Chauvin, reconnu coupable du meurtre de l’Afro-Américain George Floyd.

Voilà !

C’est dans ce contexte paradoxal que plusieurs continuent de renvoyer le racisme au sud de la frontière : grâce à leur longue-vue, ils identifient clairement les injustices raciales de l’Oncle Sam, mais ferment les yeux sur leurs propres turpitudes.

Des turpitudes qui ont causé la mort de Joyce Echaquan et qui ont fait vivre un véritable cauchemar à Mamadi III Fara Camara.

D’ailleurs, la majorité des Noirs vivant au Québec font régulièrement face à ces propos insultants tenus par des privilégiés de la société : « C’est dans ta tête », « Ici, ce n’est pas comme aux États-Unis » et « Reviens-en, on est bien ici ».

« Le racisme systémique au Québec ? Ni vu ni connu. » Telle est la réaction de la nation québécoise lorsqu’elle est confrontée à la problématisation des iniquités raciales.

Cette culture de dénégation me rend malade, et c’est pour cette raison que je choisis prudemment mes locuteurs au moment d’aborder ce sujet important.

D’autres, pour se dispenser d’une conversation sur le racisme, reprendront ce cliché éculé : « Je ne peux pas croire que ce genre de chose existe encore en 2021 ».

Ah, bon ?

Pour moi, le racisme n’est pas une prescription médicale que l’on présente aux pharmaciens de Jean Coutu, à laquelle une date d’expiration est indiquée. Que l’on soit en 1822, en 1960 ou aujourd’hui, c’est tolérance zéro.

Je le dis sans ambages : une personne blanche qui remet en doute les expériences raciales d’un ami noir démontre une insensibilité qui est nourrie par une forme de racisme.

Et quiconque ne condamne pas les actes de brutalité extrême de certains policiers du SPVM fait partie du problème.

L’objectif de ce texte n’est ni de minimiser l’importance du travail des policiers ou de faire du « Quebec bashing », mais bien de libérer la société québécoise de son déni.

Car à force de passer tout son temps dans le maquillage du visage de la Belle Province pour la rendre parfaite, on finit par négliger la dignité humaine de ses enfants noirs.


Je vous invite à participer à la conversation en laissant un commentaire un peu plus bas sur le site. Merci.


Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

3 Commentaires

  1. Cynthia Alexandre Répondre

    Merci pour ton texte que je vais partager. Cet acte insultant et provocateur a passé inaperçu pour plusieurs personnes. Que pouvons-nous faire pour que cela ne se reproduit plus?!

  2. Vladimir Berry Répondre

    Le racisme systémique est très bien implanté au Québec et si cette province aurait fait parti des États Unis , elle aurait été le quatorzième état avec le plus d’esclaves et des alliés des sudistes , comme l’a voulu le Chef des Patriotes , Louis Joseph Papineau qui était un militant et gros propriétaire d’esclave . C’est le haut Canada qui a imposé par la force l’abolition de l’esclavage dans le bas Canada et je pense bien que le fédéral va devoir encore une autre fois en ce domaine . Les nationalistes Québécois ont des héros esclavagistes, ils n’ont rien à voir avec les indépendantistes des années 70 , et on peut facilement faire le lien entre les Patriotes et leur refus de libérer leurs esclaves noirs et aujourd’hui leur refus de combattre le racisme systémique . Je suis d’accord avec tout ce qui a été dis dans votre texte et souligne votre courage de dénoncer tout haut ce que l’on sait tous bas. J’aimerais souhaiter à tous une excellente journée

  3. quelques mois plus tard, j’apprécierais une analyse et un commentaire de votre part à propos de « nous prospérerons » , de sa présentation pour le partie de la mairesse actuelle Mme Plante et de son éponge sur son passé ( style les metoo) qui remontent à 30 /40 ans) .et si par l’occasion vous identifieriez l’homme blanc dont la photo accompagne votre propos intilulé Haiti, La prostituée des bourgeois’ 15 fév. 2019 , vous m’en verriez fort aise et mieux éclairée.

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