Culture

Les Nuits d’Afrique, le Canada et le mystère du refus de visa


Pas de Yemi Alade ? Pas de problème. Les organisateurs du Festival international Nuits d’Afrique ont démontré que les racines du tronc de l’arbre musical du continent africain sont profondes et nombreuses en affichant au dernier moment la rappeuse zambienne Sampa The Great pour clôturer la 36e édition du gala.

En fait, oui, il y a un problème, du moins il existe des questions auxquelles Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRRC), qui a refusé la demande de visa de l’artiste Yemi Alade et ses musiciens, devra répondre.

La déception des festivaliers

Sampa The Great, qui l’a remplacée, a donné une belle prestation sur la scène TD-Radio-Canada, au Quartier des spectacles, dimanche soir, mais l’esprit des quelques spectateurs qui étaient au rendez-vous de la clôture de festival se trouvait ailleurs.

Elle a un peu attiré l’attention du public en entonnant The Score de Lauryn Hill et des Fugees, mais ce n’était pas suffisant : les chansons Johnny, Bum Bum et Oh My Gosh de Yemi Alade étaient encore présentes dans les pensées de la foule.

Déception.

D’autant plus que le spectacle a commencé 30 minutes plus tard que l’heure prévue.

Certes, la pluie a un peu nui à la soirée, mais la cause principale de cette déception demeure l’absence de Yemi Alade, le gros nom de la 36e édition des Nuits d’Afrique.

En effet, la reine de l’afropop, qui nous a séduits avec son immense succès mondial Johnny devait venir électriser le public montréalais à la clôture de ce prestigieux événement culturel, mais elle a été déclarée persona non grata par le Canada, selon les dires de Suzanne Rousseau, directrice générale du Festival international Nuits d’Afrique.

Malgré les centaines de millions de visionnements d’Alade sur YouTube, l’IRRC a conclu que son groupe et elle n’avaient pas atteint une solidité financière leur garantissant l’entrée au Canada.

Le mythe de l’exode massif des Africains

En d’autres termes, l’IRRC a peur que la chanteuse nigériane et ses musiciens tombent sous le charme des dollars canadiens et meurent d’envie de vivre l’hiver québécois et décident de demander l’asile politique après leur spectacle.

Depuis longtemps, les pays de l’Occident partagent cette crainte, ce courant obsessionnel voulant que les Africaines et les Africains fuient massivement la misère de leur pays pour prendre d’assaut l’« Eldorado » occidental.

Et cette crainte est particulièrement nourrie par les images négatives des médias montrant des migrants subsahariens entassés dans des bateaux, tentant de gagner l’Europe pour amorcer une nouvelle vie.

Or, lorsqu’un Caucasien ou une Caucasienne des États-Unis, du Canada, de la France ou de l’Italie va visiter un pays de l’Afrique et tombe en amour avec le soleil et la culture du continent noir et décide de ne plus rentrer au bercail, cela devient une source d’inspiration pour des films de Walt Disney et des histoires de best-sellers.

Enfin, je n’élaborerai pas trop sur l’aspect politique ou social de cet incident, qu’on peut qualifier de « visagate ». Je m’attarderai plutôt à de simples questions concernant l’approche bureaucratique du Canada dans ce dossier.

Primo, pourquoi refuser l’entrée au pays à Yemi Alade et son équipe, et pas à Sampa the Great, qui est beaucoup moins connue ?

Non pas que je sacrifie cette dernière à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, bien au contraire, j’essaie de rendre explicite ce refus de permis d’entrée au pays.

Secundo, les dirigeants n’ont-ils pas mené une recherche accrue sur la notoriété de Yemi Alade dans le monde de la musique, sur le nombre de pays visités lors de ses tournées et sur ses visionnements records sur YouTube ?

Tertio, l’IRRC n’a-t-il pas assez confiance en la députée du Parti libéral Rachel Bandayan, qui a appuyé les organisateurs des Nuits d’Afrique dans cette histoire abracadabrante ?

On pourrait même se demander si le « Johnny » que cherche Yemi Alade ne se trouve pas réellement au Canada, comme le veut la chanson, et qu’il serait protégé par l’État.

Plus sérieusement, plusieurs rumeurs ont circulé à ce sujet, mais je préfère, pour le moment, m’en tenir aux faits : Yemi Alade, dont la fortune est estimée à cinq millions de dollars, s’est fait refuser un visa d’entrée au Canada en raison de « manque de preuve de fonds suffisants ».

De plus, en 2020, Alade a été nommée ambassadrice de bonne volonté du Programme des Nations unies pour le développement.

Bref, sans vouloir évoquer la notion d’incident diplomatique, disons que cet événement restera un grand mystère à Montréal : la méfiance du Canada envers l’ambassadrice de l’Afrique.


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Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

5 Commentaires

  1. A mon avis , c’est un probleme politique et rivalité avec “ l’autre grand festival “ ou d’autre promoteurs nigeriens dans le coup… Il y a eu un sabotage . D’autre part , si Yemi était rentré, Nuits d’Afrique allait battre le record de monde de tous les festivals qui ont eu lieu a Montreal cet année.. Bref, Yemi vas revenir , la promotion est bien partie . Vive Nuits d’Afrique … C’est l’Afrique qui gagne.

  2. Bel article Walter. Merci.

    Moi, je trouve cela plus que déplacé de l’immigration et honnêtement je n’aimerais pas que du jour au lendemain on n’entend juste plus parler de cette histoire. Ce biais envers les pays moins développés doit cesser. Et actions devraient être prises. Lesquelles?? Je ne sais pas. A voir. Ca prend des réponses et des lumières sur cette histoire.
    On parle d’une artiste connue quand même.

  3. Bonjour Walter. Je suis souvent très déçu des décisions du gouvernement canadien concernant les permissions de séjour ou de résidence. En plus, les personnes responsables prennent leurs décisions dans l’anonymat de leur bureau et n’ont jamais de compte à rendre. C’est très malsain.

    • Ca fait plus de 500 que nous sommes ciblés partout. J’espere un jour qu’on sera respectés comme des juifs.

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