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L’Ouganda et le tabou de l’homosexualité qui persiste chez les Noirs


En Jamaïque, elles sont harcelées et font l’objet de violence physique. Au Nigéria, elles sont perçues comme des criminelles qui sont passibles de peines de prison. Et en Ouganda, la promulgation d’une loi visant à punir de la prison à vie toute personne engagée dans des relations homosexuelles a été confirmée. Les personnes noires du monde LGBTQ+ ont la vie dure, peu importe où elles se trouvent.

Avant de poursuivre, mettons les choses au clair : le but de ce texte n’est pas de faire le procès de l’Ouganda ou des communautés noires de l’Amérique du Nord, mais bien de sortir du placard nos préjugés contre les homosexuels afin de susciter une prise de conscience collective.

Gens de la Communauté, plusieurs de nos frères et sœurs sont victimes de notre silence, de notre indifférence à l’égard de leurs souffrances.

À Montréal, par exemple, depuis que les membres de l’organisation de l’Afropride (Défilé annuel des gais afrodescendants) ont décidé cette année de rendre hommage à la Carifiesta, dont l’édition 2023 a été annulée par la Ville de Montréal, les réseaux sociaux ont été submergés par une vague homophobe.

Des amoureux de la Carifiesta pensent que leur merveilleux défilé, qui existe depuis 47 ans, sera remplacé par l’Afropride. Or, cette hypothèse est fausse et dangereuse. L’Afropride en est à sa onzième édition, et les organisateurs et organisatrices de ce défilé n’ambitionnent pas de remplacer quiconque ou quoi que ce soit.

Ils désirent simplement faire un clin d’œil à la culture de leurs ancêtres.

Pourquoi autant de haine envers nos pairs ? Avons-nous pris le temps de réfléchir sur la question de l’homosexualité ?

Alors qu’on se met à genoux pour prier devant le portrait d’un sauveur blanc aux yeux bleus, on méprise, insulte et rejette ceux et celles qui ont notre couleur de peau en raison de leur orientation sexuelle.

Quelle énorme absurdité !

Cet acte d’ignorance est la preuve de la ténuité et de la fragilité du nœud qui nous lie à nos semblables.

Poursuivant ma réflexion, Gens de la Communauté, je vous pose la question suivante :

Comment expliquez-vous la fugacité de la solidarité du village africain lorsqu’une Jésula ou un Ousmane, qui habite le Village, a besoin de nous ?

Il est à mon sens incohérent que la communauté noire soit très active dans la lutte pour l’égalité raciale, mais refuse de lever le petit doigt quand il s’agit de défendre les droits de ses membres non hétérosexuels.

Autrement dit, à l’été 2020, nous avons embarqué aisément dans le train du mouvement Black Lives Matter afin de dénoncer le meurtre de George Floyd; mais aujourd’hui, quand l’Ouganda promet la peine de mort à ceux et celles qui commettent un crime d’homosexualité aggravée sur son territoire, nous débarquons du train, comme si la vie des Noirs homosexuels ne comptait pas.

« Les homosexuels sont une déviation de la norme », a déclaré le président ougandais, Yoweri Museveni, dans un discours à la nation, quelques mois avant la promulgation de la loi de la honte.

Pour répondre aux propos de ce dernier, qu’il me soit permis de dire qu’il n’y a rien de plus désespérant que d’entendre des personnes hautement éduquées dire des sottises au nom de la religion.

Oui, je persiste et signe : l’ignorance des homophobes est meurtrière, mais la religion est la coupable.

Voyez-vous, un bon nombre de parents de la communauté noire à Montréal renient leur enfant homosexuel par peur de l’opinion de leur pasteur et des fidèles de leur église. C’est d’un ridicule absolu quand on pense à la présence de prêtres et de pasteurs homosexuels dans l’Église.

En 2012, le cousin d’une amie martiniquaise, qui n’endurait plus le rejet de sa famille à la suite de son coming out, s’est enlevé la vie. Il n’avait que 26 ans et était voué à une belle carrière professionnelle.

Donc, si je comprends bien, selon le président ougandais, ce jeune défunt a quitté ce monde pour mieux vivre sa déviance sexuelle ?

C’est de la bouillie pour les chats.

Nyet, la pratique d’une sexualité entre des personnes d’un même sexe n’est pas une déviance occidentale, tout comme la dépression n’est pas une maladie de Blancs ou le suicide n’est pas une affaire de Blancs non plus.

A contrario, l’homosexualité n’est pas une importation occidentale, c’est l’homophobie qui a été importée dans les pays noirs lorsque le christianisme s’est invité dans les dérives du colonialisme.

Ne l’oublions pas : la religion est la coupable.

Nous devons ouvrir nos fenêtres et jeter nos tabous pour ainsi respirer l’air de la liberté et de la tolérance.

Combien de temps encore continuerons-nous à divaguer en prononçant bêtement les mots « pédé », « tapette », « batty man (terme jamaïcain)» et « buller (également jamaïcain) » ?

Jusqu’à quand allons-nous laisser les pasteurs des églises dites de réveil nous endormir et nous abrutir avec leurs prédications homophobes ?

Ces questions nécessitent une attention particulière, car plusieurs d’entre nous stagnent dans leur mentalité fixe, et c’est malheureux.

Bien que des personnes noires célèbres comme Lil Nas X et Karine Jean-Pierre aient affiché publiquement leur homosexualité, le tabou lié aux relations de personnes de même sexe persiste.

Il importe toutefois de souligner qu’en République démocratique du Congo, au Bénin, au Mali, au Gabon et en Côte d’Ivoire, l’homosexualité n’est pas criminalisée. En fait, il existe 16 pays en Afrique dans lesquels l’homosexualité est légale.

Cela peut sembler peu, mais je crois qu’il y a de l’espoir.

Enfin, afin d’assurer un vivre ensemble harmonieux, nous devons nourrir l’espoir de voir l’arc-en-ciel du monde LGBTQ+ briller de toutes ses couleurs dans les communautés noires.


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Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

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