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Migrants haïtiens au Texas : un coup de fouet donné à tous les Noirs du monde


Des chevaux, des cordes, des fouets et des gardes-frontières se prenant pour John Wayne afin de repousser des migrants haïtiens. On dit souvent que le public a besoin de voir pour croire et d’émotion pour se mobiliser et agir. Or, face à ce néo-colonialisme démontré par l’Oncle Sam, si le monde noir ne ressent pas la nécessité d’une réflexion collective, d’autres fouets surgiront.

Si les États africains ne s’unissent pas afin de devenir une puissance mondiale, d’autres anachronismes ayant survécu au passé colonial viendront hanter les esprits des Noirs vivant en Occident.

Et si le mouvement Black Lives Matter ne franchit pas les frontières de l’Amérique noire pour dénoncer ces actes anti-haïtiens, il perd son sens et son utilité.

Aujourd’hui, tous les Noirs devraient être Haïtiens.

Le suprémacisme blanc de l’Oncle Sam

Malhereusement, au lieu de centrer le débat sur un objectif commun, certains membres de la communauté noire choisissent l’autodissolution en se demandant « comment Haïti est-elle tombée si bas après avoir atteint le sommet de la liberté ».

Le plus triste dans tout cela, c’est de constater que les filles et fils de Dessalines ont fui la pauvreté extrême de leur pays, pour se retrouver face à la pauvreté intellectuelle des gardes-frontières américains.

Pour vous mettre en contexte, au cours du week-end dernier, les 18 et 19 septembre, des images dignes de l’époque esclavagiste et des films westerns du Texas ont ravivé la mémoire des Afrodescendants et alimenté les préjugés à l’égard des Haïtiens.

Lors d’une opération d’expulsion de migrants haïtiens au Texas, des gardes-frontières américains, juchés sur leurs chevaux, ont utilisé des cordes et des fouets pour pourchasser des migrants haïtiens qui avaient traversé le Rio Grande.

Les dernières fois que j’ai vu pareilles scènes, c’était lorsque Kunta Kinte avait pris la fuite dans la mini-série Racines (1977) et dans le film Django Unchained (2012), où les chevaux et les fouets étaient également utilisés pour maîtriser les esclaves.

Et, pour couronner le tout, dans une vidéo diffusée par la chaîne de télévision Al-Jazeera, on peut entendre l’un des gardes-frontières paraphraser Donald Trump en criant aux migrants : « Voilà pourquoi votre pays est merdique, c’est parce que vous utilisez vos femmes pour faire ça ! ».

Les migrants haïtiens errent sans fin à travers les Amériques, nourrissant le rêve américain, cette grande invention hollywoodienne.

Hélas !

Le plus triste dans tout cela, c’est de constater que les filles et fils de Dessalines ont fui la pauvreté extrême de leur pays, pour se retrouver face à la pauvreté intellectuelle des gardes-frontières américains.

Des gardes-frontières insensibles à la vulnérabilité des enfants et des femmes enceintes, qui, disons-le, sont de plus en plus présents dans les aventures migratoires.

En conférence de presse cette semaine, le Secrétaire à la Sécurité des États-Unis, Alejandro Mayorkas, a émis un avertissement : « Si vous venez illégalement aux État-Unis, vous serez renvoyé. Votre voyage ne sera pas un succès et vous mettez votre vie et celle de votre famille en danger ».

Voici le paradoxe : comment les Américains peuvent-ils développer une conception très rigoriste de l’immigration lorsqu’ils créent un jour férié national en l’honneur de Christophe Colomb, le plus célèbre des immigrants illégaux ?

Le roi est mort, vive le roi

Plus ça change, plus c’est pareil : l’Oncle Sam n’en a rien à cirer des demandeurs d’asile haïtiens, tout comme il fait preuve de je-m’en-foutisme des Afro-Américains qui sont étouffés par son genou policier.

Qu’il s’agisse d’un gouvernement républicain ou démocrate, de Donald Trump ou Joe Biden à la Maison-Blanche, les États-Unis d’Amérique conservent leur nature coloniale.

D’ailleurs, dans une interview accordée au journaliste Charlie Rose, en 1994, lorsqu’il était sénateur, le président Joe Biden avait déclaré que « si Haïti s’enfonçait tranquillement dans les Caraïbes ou s’élevait à 300 pieds, cela n’aurait pas trop d’importance pour nous », pour expliquer la raison pour laquelle il considérait que la situation chaotique de Bosnie était plus préoccupante que celle d’Haïti.

Par exemple, durant les années 1980, les « boat people » cubains sont accueillis à bras ouverts par les autorités américaines, tandis que les Haïtiens qui tentaient d’accéder au rêve américain par bateau ont été refoulés.

Le président Joe Biden , alors sénateur, dénigre Haïti, lors de cette interview accordée au journaliste Charlie Rose

En réalité, le comportement américain envers les migrants haïtiens ne devrait pas étonner ceux qui sont au fait des rapports historiques entre ces deux nations.

Permettez-moi de vous énumérer quelques faits historiques qui pourraient identifier l’Oncle Sam comme un belligérant pilleur et ingrat, qui a toujours méprisé Haïti.

Un antihaïtianisme affiché

Le 8 septembre 1779, plus de 800 soldats haïtiens débarquent en Géorgie pour combattre à Savannah, pour l’Indépendance américaine.

Parmi ces « chasseurs volontaires », qui étaient des affranchis, se trouvaient Henri Christophe, André Rigaud et Jean-Baptiste Chavannes.

Cet apport a longtemps été oblitéré par les Américains, qui ont attendu près de 57 ans avant de reconnaître l’indépendance haïtienne.

En 1914, la réserve d’or d’Haïti, qui était entreposée à la Banque nationale de la République d’Haïti, est raflée par des Marines américains.

Le 28 juillet 1915, sous prétexte de vouloir protéger les intérêts économiques américains, le président Woodrow Wilson envoie des Marines à Port-au-Prince pour occuper le pays de Dessalines.

Durant l’occupation américaine, plus de 9000 Haïtiens ont été tués, dont 5475 dans le camp de concentration de Chabert, dans le Nord, et 4000 prisonniers dans les prisons du Cap-Haïtien. Des faits qui ont été relatés par le journal Le Courrier haïtien, le 26 février 1921.

Encore pire, au cours des 19 années de belligérance étatsunienne, les paysans haïtiens ont été dépossédés de près de 30 mille hectares des meilleures terres du pays, ce qui a provoqué l’exode de plus de 300 000 paysans vers la République dominicaine et Cuba.

Parlant de Cuba,  il importe également de mentionner que ce qui est accordé aux autres est refusé aux Haïtiens.

Par exemple, durant les années 1980, les « boat people » cubains sont accueillis à bras ouverts par les autorités américaines, tandis que les Haïtiens qui tentaient d’accéder au rêve américain par bateau étaient refoulés.

Et en 1983, les autorités sanitaires américaines ont injustement accusé les habitants d’Haïti et les Haïtiens des États-Unis d’être les principaux porteurs du VIH/sida. Dans la foulée de cette campagne de dénigrement, la Croix-Rouge canadienne avait déclaré les Haïtiens persona non grata.

Plusieurs chauffeurs de taxi haïtiens de Montréal et de New York on perdu leur emploi et des travailleurs de la santé ont refusé de s’occuper des patients d’origine haïtienne.

Il a fallu des années de luttes antiracistes pour que les Haïtiens de la diaspora se débarrassent de la stigmatisation liée au virus de l’immunodéficience (VIH).

Enfin, les Américains ont tout fait pour amener Haïti dans la situation où elle se trouve actuellement : sanctions économiques, invasion armée, intervention militaire, renversements de gouvernements et campagne de salissage.

Certes, nous devons assumer notre part de responsabilité dans la problématique haïtienne ; cependant, il importe de dénoncer l’hégémonie de l’Oncle Sam qui paralyse Haïti et plusieurs pays noirs depuis plus d’un siècle.

Bref, nous devons nous rendre compte que brutaliser les Noirs est le propre des États-Uniens, et que s’unir pour se défendre est un devoir dessalinien.


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Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

6 Commentaires

  1. Exactement il est temps de se rendre compter que personne va venir à notre rescousse.
    Biden ou Trump c’est la même résultat pour les haïtiens.

    • Walter Innocent Jr Répondre

      Barbara, la communauté a besoin de plus de gens comme toi. Si chacun y participe et accepte son rôle, on la gagnera cette cause. Merci pour ta participation à la conversation et à bientôt.

  2. Bonjour Walter. Ouch, la déclarations de Biden est extraordinairement stupide. Je crois qu’il l’a réalisé au moment de la prononcer. C’est une maladresse de Biden, mais pour qu’une telle maladresse puisse se produire, il fallait presque forcément que le type ait été insensible au sort des Haïtiens. Il a du avoir évolué si Obama l’a choisi comme colistier en 2008. De plus, sans le fort appui des Afro-Amércains, Biden n’aurait jamais obtenu l’investiture, ni gagné la présidence.

    D’autres part, comparer le Parti démocrate au Parti républicain, c’est comme comparer Québec solidaire au parti de Bernier. Toutefois, le Parti démocrate a les mains liées, car la majorité de la population américaine acceptent très mal que des immigrants illégaux entrant par la frontière sud ne soient pas expulsés.

    • Walter Innocent Jr Répondre

      Bonjour Luc. Tu sais, Biden est habitué aux déclarations incendiaires. Il fait autand gaffes que Gaston. Et, non, bien qu’Obama l’ait choisi comme colistier, il n’a jamais évolué. Dommage.

      À bientôt, cher ami.

    • Walter Innocent Jr Répondre

      Bonjour Luc. Merci beaucoup pour cet excellent article. On apprend toujours, mon ami. Il est toujours de fouiller pour tenter de connaître la vérité, si vérité il y a.

      À bientôt

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