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Mort de Jeanette Zacarias Zapata : la boxe devrait être interdite


Lors des combats de boxe, on recherche constamment ce crochet qui ébranlera l’adversaire de notre boxeur favori, cette droite qui l’enverra au lieu imaginaire. Avide de violence et de sang, on ne se soucie point des séquelles que peuvent engendrer les 150 coups de poing en moyenne que reçoivent les pugilistes dans un duel.

On se comporte comme des spectateurs des combats de gladiateurs de la Rome antique : c’est la frénésie générale.

Or, hier, jeudi, la boxeuse Jeanette Zacarias Zapata a succombé à ses blessures subies pendant un combat de boxe.

Un dur coup pour la boxe

Depuis le soir du 28 août, date du gala organisé par le groupe GYM, le monde de la boxe retenait son souffle et s’égarait dans un labyrinthe de questionnements relatifs à la santé de Zapata et à la sécurité de ce sport violent.

Le 20 juin 1980, en préliminaire de la bataille tant attendue entre Sugar Ray Leonard et Roberto Duran, Gaétan Hart assène le coup fatal à Cleveland Denny, un Montréal d’origine guyanienne, au 10e round.

Jeanette Zacarias Zapata qui reçoit les coups de poing violents de son adversaire Marie-Pier Houle

Évidemment, après la perte de conscience de la jeune boxeuse de 18 ans, l’heure était à la prise de conscience, car, une fois de plus, Montréal a été le théâtre d’une scène tragique à laquelle aucune maman ne souhaite assister.

Tout comme Adonis Stevenson, Jeanette Zacarias Zapata a reçu le coup de poing de trop, le K.-O. cruel qui envoie généralement les pugilistes aux soins intensifs.

Jamais la famille de la jeune Mexicaine n’aurait pu prédire que sa finitude serait provoquée par sa passion, à quelque 3700 kilomètres de la maison.

Tout ça pour une poignée de dollars (1800 $).

Quelle tristesse !

D’ailleurs, on peut voir les larmes jaillir dans le visage inquiet de la Belle Province.

L’inquiétude qu’a soulevée cette mise hors de combat dans la population est à la mesure des souvenirs qui hantent encore de nombreux amateurs de boxe montréalais.

Ils se souviennent du combat mortel entre le boxeur noir Cleveland Deny et Gaétan Hart, originaire de Gatineau.

Cinq coups de poing de trop

Le 20 juin 1980, en préliminaire de la bataille tant attendue entre Sugar Ray Leonard et Roberto Duran, Gaétan Hart assène le coup fatal à Cleveland Denny, un Montréalais d’origine guyanienne, au 10e round.

Âmes sensibles s’abstenir, nous allons revisiter le dernier round de ce combat tragique.

À la fin du 10e round, Hart a surpris Denny avec un uppercut alors qu’il reculait, et s’en est ensuivie une série de coups de poing qui ont ébranlé son adversaire.

Au moment où Cleveland Denny s’est affaissé contre un poteau du ring, les bras croisés, l’arbitre Rosario Baillargeon a voulu arrêter le combat, mais a hésité. Hart s’est alors précipité et a frappé Denny avec environ cinq autres coups de poing, l’envoyant au tapis.

Après 16 jours de coma, Denny s’éteint à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont.

C’était la consternation dans le monde de la boxe du Québec. Et c’était mon éveil à la cruauté du « sport noble ».

Deux ans plus tard, en 1982, mes parents et moi regardions l’un des combats les plus violents de l’histoire de la boxe, impliquant l’Italo-Américain Ray Mancini et le Sud-Coréen Duk-Koo Kim.

Au 14e round, d’un crochet du droit à la tête, Mancini envoie Kim dans les cordes : K-O, civière, coma, et quatre jours plus tard, la mort a suivi.

C’est à la suite de cette tragédie que le nombre de rounds des combats de championnats a été réduit. Ils sont passés de 15 rounds à 12 rounds.

Ces sombres souvenirs me reviennent chaque fois que je vois une femme ou un homme allongé dans un ring de boxe.

Pour plusieurs, les dangers de la boxe font partie du métier, donc les pugilistes sont au fait des risques qu’ils encourent.

Pour moi, c’est un sport archaïque, où la répétition des coups sur la tête provoque des lésions cérébrales majeures, des fractures aux os, des déchirures des réseaux nerveux et des caillots dans le cerveau.

Sans compter les blessures de la rétine, voire les décollements de celle-ci et même les hémorragies rétiniennes.

Pour vous donner une idée de la violence de ce spectacle, un coup de poing d’un boxeur équivaut à un coup de boule de bowling de 15 livres.

Autant j’affectionne ce sport que je suis depuis ma tendre enfance, autant je le réprouve, moralement et philosophiquement.

Tout un paradoxe, direz-vous.

Comme un coup de boule de bowling

L’infléchissement de ma pensée sur la boxe est né d’une lassitude de voir deux êtres humains sur un ring, se détruire comme les gladiateurs de César ; cette scène représente une barbarie qui n’a plus sa place dans une société supposément civilisée.

Certes, nous sommes tentés de dire qu’une commotion ou hémorragie cérébrale peut survenir à la suite d’un accident de voiture.

Toutefois, une hémorragie cérébrale subie dans un combat de boxe n’est pas un accident, c’est une aberration humaine qui peut facilement être évitée.

Pour vous donner une idée de la violence de ce spectacle, un coup de poing d’un boxeur équivaut à un coup de boule de bowling de 15 livres.

Comme l’a si bien dit Marie Robert », présidente de la Fondation-Neuro Trauma Marie-Robert, « la boxe est un sport dont le but est de provoquer l’inconscience et qui se nourrit de la violence pour briser le corps et la vie des gens ».

Malgré les protocoles et contrôles mis au point par plusieures fédérations de boxe, il n’est pas rare de voir des boxeurs monter sur un ring après avoir subi une commotion cérébrale à l’entraînement.

D’ailleurs, une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux montre clairement que Jeanette Zacarias Zapata n’était pas apte à affronter la Québécoise Marie-Pier Houle le 28 août, car elle a été violemment mise hors de combat par Cynthia Lozano, une boxeuse de 35 ans, en mai dernier.

Selon le protocole de gestions des commotions cérébrales, Zapata devait attendre environ six mois avant de participer à un gala de boxe.

Donc, à qui revient le blâme de ce manquement en ce qui concerne les règlements des fédérations de boxe ?

Il est difficile de répondre à cette question, car d’un côté, il y avait une jeune femme qui était prête à tout pour vivre sa passion et se nourrir, et de l’autre, des promoteurs qui ne pensent qu’à l’argent.

Cependant, nous pouvons aisément dire qu’en toute circonstance, l’affairisme ne doit jamais prendre le dessus sur l’humanisme.


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Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

6 Commentaires

  1. Effectivement, ce sport devrait désormais être une coutume qui appartient au passé et être bani. Merci pour ce beau texte M. Walter Inn

    • Walter Innocent Jr Répondre

      Merci à toi, Étienne, pour cette belle réflexion. Toujours aussi éloquent.

  2. Je n’arrive pas à voir dans la boxe un sport. Quoi qu’on fasse pour améliorer le sort de ceux qui la pratiquent ou la pratiqueront, ça reste ou restera des agressions légalisées. Même chose pour certaines mises en échec au hockey. Comment croire en la résolution de conflits entre humains par des voies pacifiques et en même temps accepter ces attaques, tout encadrées soient-elles? Oui : La boxe devrait être interdite.

    • Walter Innocent Jr Répondre

      Vous avez entièrement raison, Jean Bérubé. La boxe n’est pas un sport. Comme vous le dites, la boxe représente des voies de fait, des agressions qui sont permises par les gouvernements et la société. Et je trouve que le hockey se discrédite beaucoup en acceptant les batailles sur la glace.

      Merci pour cet important point de vue, Jean. À bientôt.

  3. A 72 ans, depuis des lustres, je trouve que ce sport est totalement anachronique !
    A une époque où le moindre risque est traqué de toutes parts, où les mesures les plus liberticides sont prises pour éviter le plus infime bobo, comment la pratique de la boxe ne soulève -t-elle pour ainsi dire aucune réaction ?
    C’est vraiment un mystère pour moi!

    • Walter Innocent Jr Répondre

      Très bon point, JMBL. Je dirais même qu’il est absurde que l’on interdise, à raison, les combats de coqs et de chiens, alors lqu’on accepte que deux êtres humains montent sur un ring afin de se détruire comme les gladiateurs de la Rome antique. Le lobbying de ce sport serait-il si puissant ? Qui sait…

      Merci beaucoup pour cet éloquent commentaire, JBML.

      À bientôt.

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