Société

Ces enfants noirs qui n’aiment pas leurs cheveux et leur couleur de peau

Le sujet est sérieux : alors que la mort de George Floyd a déclenché dans le monde une prise de conscience sur le racisme et les violences policières envers les hommes afro-descendants, de nombreux enfants noirs, qui subissent la discrimination raciale à l’école et dans leur quartier, remettent en cause leur couleur de peau.

On dit souvent que la vérité sort toujours de la bouche des enfants, étant donné que leur innocence leur permet de percevoir et de formuler des faits qui échappent aux adultes.

La dévalorisation de soi

Cependant, quand une petite fille noire déclare à ses parents qu’elle n’a pas la bonne couleur de peau, et que sa camarade de classe, une blonde aux yeux verts, est plus belle qu’elle, il est évident qu’elle répète le mensonge du « miroir magique » de l’Occident.

Afin de mettre en contexte la propagande nord-américaine, disons que dans le monde coloré et fabuleux de Walt Disney, un monde où se réalisent les rêves d’enfant, le miroir magique est reconnu comme étant doué de parole, capable de dévoiler des vérités ou les souhaits les plus profonds.

Or, dans le quotidien des enfants noirs, ce miroir n’existe pas, ou du moins il est brisé, car la société ne cesse de leur faire croire qu’ils ne sont pas beaux, que leurs cheveux crépus sont indésirables et que leur peau est trop foncée.

Cependant, malgré les efforts déployés pour débusquer son idéal blanc, Ismaël continue de nourrir son rêve de voler comme Superman et de se déplacer en lançant des fils comme Spider-Man, des super-héros blancs, les « seules créatures pouvant sauver le monde ».

Ce mensonge occidental, vous en conviendrez, est diffusé depuis des décennies par le cinéma, la télévision, les jeux vidéo et les livres pour enfants, où ne sont illustrés que le courage et l’héroïsme du monde blanc.

Et à l’école secondaire, il est notoire que des directeurs et directrices cherchent à discipliner, voire dompter les cheveux naturels (nappy) d’adolescents noirs, qu’ils considèrent comme sauvages.

Sans plus attendre, je vous présente le cas d’Ismaël, un enfant noir de sept ans, qui ne comprend pas pourquoi il est « différent » de son enseignante et de ses camarades d’école. En réalité, il n’accepte pas le fait d’être noir dans un milieu caucasien.

Des parents inquiets

À la maison, afin de réveiller la panthère noire qui sommeille en lui, ses parents ont transformé sa chambre à coucher en Wakanda : figurines, affiches, masques et costumes.

Cependant, malgré les efforts déployés pour débusquer son idéal blanc, Ismaël continue de nourrir son rêve de voler comme Superman et de se déplacer en lançant des fils comme Siper-Man, des super-héros blancs, les « seules créatures pouvant sauver le monde ».

La semaine dernière, bouleversée et en larmes, Fabiola, la mère d’Ismaël, qui a insisté pour que cette histoire soit racontée, m’a rapporté les propos de son fils qui lui aurait dit : « je n’aime pas mes cheveux, je n’aime pas la couleur de ma peau. Quand je serai grand, je veux devenir Blanc. »

Autrement dit, comment convaincre les jeunes filles noires de la pensée « Black is beautiful » lorsque nous déboursons annuellement des milliards de dollars pour des faux cheveux qui ressemblent à ceux de Kim Kardashian, de Jennifer Lopez et d’Ariana Grande ?

Ce comportement d’autodévalorisation, où un enfant noir fait l’éloge de la couleur blanche au détriment de la sienne, est observable chez Cassandra (nom fictif), une fille afro-descendante de 13 ans. Cette adolescente de Laval, qui fréquente une école privée de Montréal, ne manifeste que du dédain envers l’ethnicisation de ses semblables dans la cafétéria de son école : les Noirs d’un côté, les Blancs de l’autre.

Un matin, avant d’aller en classe, elle confie à sa sœur aînée qu’elle aurait préféré être blanche, afin de bénéficier de la longueur et de la texture des cheveux de sa copine d’origine roumaine.

Il s’agit bien là d’un souhait qui ne peut être exaucé par le père Noël, mais aussi d’un cri du cœur d’une adolescente noire qui ne se retrouve pas dans l’image de la beauté occidentale.

Certes, la fragilisation de la jeunesse noire, qui a une propension à s’identifier au modèle dominant, est symptomatique du racisme et de l’exclusion sociale de la société nord-américaine. Néanmoins, nous devons admettre que dans ce drame humain, nous jouons un rôle crucial.

Notre part de responsabilité

Pour mieux vous décrire notre part de responsabilité dans le problème identitaire de ces enfants noirs, permettez-moi de vous transporter à Atlanta, au début du mois de mars.

C’est l’histoire d’une petite fille de 4 ans, Ariyonna, qui se préoccupe de son apparence physique.

Dans une vidéo qui a fondu l’Amérique noire en larmes, on aperçoit Ariyonna se faire coiffer par sa coiffeuse Shabria. Puisque celle-ci filmait en direct sur Instagram, Ariyonna regarde avec nonchalance la caméra et dit : « je suis si laide ». À la suite de l’intervention de la coiffeuse qui l’inonde de mots réconfortants, la petite fille de quatre ans se met à pleurer.

« Black is beautiful », ont scandé Michelle Obama, l’actrice Viola Davis ainsi que la coiffeuse pour rassurer la petite Ariyonna et promouvoir la fierté noire.

Bien sûr qu’être Noir est beau. Cependant, en 2020, il y a un besoin urgent de rescaper ces trois mots emblématiques, car ils semblent se noyer sous les flots agités de nos nombreuses contradictions sociales.

Cette devise positive et thérapeutique doit être suivie d’actions concrètes pour que nos jeunes valorisent réellement la beauté noire.

Autrement dit, comment convaincre les jeunes filles noires de la pensée « Black is beautiful » lorsque nous déboursons annuellement des milliards de dollars pour des faux cheveux qui ressemblent à ceux de Kim Kardashian, de Jennifer Lopez et d’Ariana Grande ?

Oui, oui, je sais ! Selon le vieil adage, « la beauté du ciel est dans les étoiles, la beauté des femmes est dans leur chevelure ». Toutefois, rien ne dit que la beauté des femmes noires doit être entremêlée dans les cheveux made in China.

Comment expliquer aux petits les raisons pour lesquelles des produits de blanchiment de peau garnissent les comptoirs des marchés haïtiens et africains ?

Voyez-vous, il est difficile d’accroître l’estime de soi de nos enfants quand le maître continue de coloniser notre esprit.

Par exemple, sans nous en rendre compte, dans des conversations téléphoniques avec des amis, nous leur transmettons la parole pessimiste : « les Noirs ne sont pas unis », « Ayisien pa bon », « je n’ai pas la mentalité des Noirs ».

Des jeunes filles arborant leurs cheveux naturels

C’est presque une lapalissade que d’affirmer que ces poncifs négatifs poussent plusieurs des jeunes enfants de la Communauté à se réfugier dans l’idéalité de leurs amis caucasiens.

De manière consciente et inconsciente, ces jeunes, qui sont déjà affectés par les scènes de violences policères envers les Noirs, intègrent les préjugés négrophobes de la société blanche et ont tendance à se dévaloriser.

D’ailleurs, vous constaterez que pour la plupart des garçons noirs âgés de 5 à 12 ans, les filles noires ne font jamais partie des plus belles filles de leur école.

Une triste réalité !

Évidemment, la solution à ce problème n’est pas simple : les mentalités racistes et discriminatoires changent lentement.

Cependant, en prônant l’acceptation de soi, nous franchissons la première étape d’un long processus qui consiste à nous libérer du modèle dominant.


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Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

10 Commentaires

    • Walter Innocent Jr Répondre

      Je vous remercie beaucoup pour les bons mots, Natha ! Certaines véréités nuisent, mais nous devons les sortir afin d’avancer.
      À bientôt, chère camarade!

    • Walter Innocent Jr Répondre

      Un gros merci à toi, Ronald ! Venant de toi, ce compliment est tout un honneur.

      • Article très intéressant et pertinent!
        Je suis contente que vous parler de ce sujet et je souhaite qu’on en parle plus, car j’ai vécu ce problème avec ma fille de 7 ans et je suis à la recherche de modèles noires pour elle

        • Walter Innocent Jr Répondre

          Merci beaucoup Nadine. Je suis désolé que vous ayez vécu ce problème avec votre fille. Et, oui, comme vous le dites, la jeunesse noire a grandement besoin de modèles. À nous de les combler.

          À bientôt, Nadine.

    • Walter Innocent Jr Répondre

      Mille mercis pour ces bons mots, Jacynthe ! Comme vous le dites, réflechissons afin de trouver des pistes de solution.

      À bientôt.

  1. Merci . C’est très instructif et encourageant. Le travail ne fait que commencer. Je l’ai vécu juste dans ma periode adolescente , car étant africaine adoptée par des parents blancs…(qui fort heureusement m’ont permis d’être qui je suis en tant que noire.)
    C’est le regard extérieur qui est à revoir en sois. Si les bases de l’amour du soi tel que nous avons été créée en tant que noire n’est pas enseigné dès le bas âge à la maison, il est clair que c’est la société qui nous formate qui va s’en charger et ce, dans tous les domaines et sens du terme. ..
    Mais la question est celle-ci: L’homme africain noire a-t-il besoin de prouver au monde qu’il est beau? Si il ne le croit pas lui-même qu’il l’est, il se bat inutilement et pour rien . Tout vient de nous même et de notre état d’esprit.

  2. J’ai beaucoup apprécié votre article car elle pousse vraiment à la réflexion et sensibilise à propos de la fausseté de « l’idéal » de la beauté prôné par les médias. Je crois que dès leur plus jeune âge, il faut montrer à ces jeunes de se valoriser, peu importe le « standard » de beauté que la société occidentale essaie de leur imposer.

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