C’est l’un des moments les plus douloureux qui soient. La perte de son enfant. Pour les parents de Meriem Boundaoui, l’adolescente qui a été tuée dimanche dernier lors d’une fusillade, sa disparition laisse un vide qui est difficile à combler. Pour nous, c’est une violence gratuite qui devrait nous faire réfléchir sur le rôle que nous pouvons jouer dans ce drame national.
Meriem n’avait que 15 ans et était une étudiante exemplaire. Jamais sa famille n’aurait pu prédire que sa finitude serait provoquée par deux solitudes de bandes criminalisées de Saint-Léonard.
La guerre des motards et l’escouade Carcajou
La mort tragique de la jeune Algérienne me rappelle tristement celle de Daniel Desrochers, un jeune garçon de 11 ans tué lors de la guerre sans merci entre les bandes de motards à Montréal, durant les années 1990.
Le 9 août 1995, sur l’heure du dîner, la voiture piégée d’un présumé trafiquant de drogue, Marc Dubé, 26 ans, explose sur la rue Adam, à côté de l’école Saint-Nom-de-Jésus, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve.
Le conducteur meurt sur le coup, et Daniel Desrochers, qui se trouve sur le trottoir opposé lors de l’explosion, est atteint à la tête par un débris. Après quatre jours de coma, il succombe à ses blessures.
Au lendemain de la mort du petit Daniel, la colère s’est emparée de la population, qui a réclamé une présence policière accrue pour mettre un frein au fléau.
C’est ainsi que le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal (aujourd’hui SPVM) et la Sûreté du Québec ont uni leurs efforts pour donner naissance à la célèbre escouade Carcajou.
Or, aujourd’hui, pour des raisons évidentes liées à l’eugénisme, la population ne semble pas pleurer la mort violente de Meriem Boundaoui autant qu’elle l’a fait pour celle du jeune Daniel Desrochers. Cependant, elle a exprimé sa profonde inquiétude au sujet de cette vague de violence juvénile qui a éclaté dans le nord-est de Montréal.
Par conséquent, cette pression populaire, qui a été accueillie positivement par la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a fécondé l’Équipe dédiée à la lutte contre le trafic d’armes (ELTA).
C’est là que les choses se compliquent.
ELTA, une solution provisoire
D’emblée, j’estime que les fautifs des actes de terreur qui ont eu lieu au cours des derniers mois doivent être arrêtés dans les plus brefs délais pour faire face à la justice.
Toutefois, je crains que ELTA soit un travesti de la militarisation du SPVM, qui n’a démontré aucune pudeur dans l’affaire Camara.
Et j’ai bien peur que des policiers se servent habilement de leur nouvelle compagne, ELTA, pour exercer une répression aveugle, ne voyant que la couleur de peau noire et les voitures de luxe.
Sachez que les jeunes Haïtiano-Québécois et Arabo-Québécois de Montréal-Nord, de Rivière-des-Prairies et de Saint-Léonard ne sont pas différents des jeunes de Westmount ou d’Outremont. Outre la couleur de peau, il n’y a que des mesures dichotomiques qui distinguent un Frantz Jean-Louis à un Sébastien Chouinard.
D’ailleurs, lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle, l’Haïtiano-Québécois, Luguentz Dort, qui évolue dans la NBA et qui est issu de Montréal-Nord, a expliqué comment le basketball l’a tenu à l’écart du phénomène des gangs de rue.
Comment régler le problème des gangs de rue ?
Comme l’avions conclu il y a quelques jours lors d’une conversation, Ted Rutland, professeur à l’Université Concordia et auteur, et moi, le manque d’opportunités sur le marché du travail et dans d’autres sphères importantes de la société représente le point fondateur des turbulences actuelles qui secouent les communautés racisées.
Selon M. Rutland, « mettre fin à la violence des gangs de rue constitue un projet à long terme qui implique des investissements dans les quartiers non privilégiés. Des investissements que les Nord-Montréalais et les Michelois d’origine haïtienne réclament depuis les années 1980. »
Pour appuyer les propos du professeur, je tiens à dire que des loisirs culturels et intellectuels ainsi que des activités sportives, qui existent dans plusieurs secteurs de la ville, doivent être mis en place dans les quartiers défavorisés afin que les jeunes échappent au désœuvrement, qui est l’une des causes principales de création de gangs de rue.
D’ailleurs, lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle, l’Haïtiano-Québécois, Luguentz Dort, qui évolue dans la NBA et qui est issu de Montréal-Nord, a expliqué comment le basketball l’a tenu à l’écart du phénomène des gangs de rue.
« Après l’école, j’allais directement au centre où je pratiquais, puis je faisais l’aide au devoir, après ça, on avait une pratique d’équipe, puis quand j’arrivais à la maison, je ne pouvais pas sortir puisqu’il est assez tard », a-t-il répondu à l’animateur Guy A Lepage qui a abordé le sujet.
Au-delà des infrastructures nécessaires à la croissance des communautés racisées, l’inclusion sociale et culturelle est un élément crucial à ne pas négliger.
Un problème national
Combien de jeunes Noirs se sont éloignés de la réalité québécoise pour embrasser une idéalité afro-américaine en raison de l’absence de leur communauté à la télé, dans les médias et dans le monde du showbiz ?
Beaucoup trop.
Quand Jean Pascal part à la conquête de l’Amérique et remporte des titres mondiaux à la boxe professionnelle, les Québécois sont fiers de dire que le pugiliste est l’un des leurs.
Quand est-ce que nous allons comprendre que le phénomène des gangs de rue est un problème national, et non communautaire, c’est-à-dire que cela concerne tous les Québécois ?
Lorsque Bruny Surin a décroché la médaille d’or du relais 4 x 100 m aux Jeux Olympiques d’Atlanta, en 1996, il était un athlète québécois très convoité dans la Belle Province.
On le considérait comme une fierté nationale, et non pas comme un athlète haïtien de Saint-Michel.
Quand Jean Pascal part à la conquête de l’Amérique et remporte des titres mondiaux à la boxe professionnelle, les Québécois sont fiers de dire que le pugiliste est l’un des leurs.
Et que dire de l’admiration et de l’attentin que l’on voue à Dany Laferrière, l’un des auteurs les plus prolifiques de l’histoire du Québec ?
Je me souviens qu’à à la veille de l’intronisation de Dany à l’Académie française, la population québécoise se demandait s’il allait se présenter en tant que Québécois, Canadien ou Haïtien… S’il allait faire ceci ou cela…
Bref, l’enthousiasme des Québécois dits de souche pour l’intronisation de l’écrivain qui est né à Port-au-Prince était palpable.
Ainsi, Gens du Pays, il vous importe de reconnaître les jeunes Noirs de Montréal-Nord, de Rivière-des-Prairies et de Saint-Michel comme étant des Québécois, dans la joie comme dans la peine, dans la richesse et dans la pauvreté.
Qui sait, peut-être qu’avec un peu plus d’attention et de compréhension, ces jeunes vous feront découvrir d’autres Dany Laferrière.
Je vous invite à participer à la conversation en laissant un commentaire un peu plus bas sur le site. Merci.
5 Commentaires
Saisissant comme article. Tes mots me subjuguent car elles attisent la vérité et des réflexions pertinentes.
Bravo
Merci beaucoup pour ces bons mots, Vladimir ! C’est vraiment gentil. À bientôt, camarade.
Mille mercis pour ces bons mots, Vladimir ! C’est vraiment gentil de ta part.
Je suis tellement en accord avec tes propos, parce que ça me rappel l’ancien champion du monde alcine, un parfait exemple qui se faisait appeler notre champion québécois et lorsqu’il a commencé a perdre ses combats a été délaissé et le fait qu’il n’était plus champion, qu’il devenait le boxeur haïtien, pourtant ses origine était la même qu’au début de sa carrière, je trouve tout ça déplaisant.
En effet, le cas de Joachin est un bel exemple. C’est un chic type que j’ai vu grandir à Saint-Michel, et c’est dommage ce qui lui est arrivé. Hélas.
Merci beaucoup pour ton commentaire, frère. À bientôt.