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Katt Williams et notre soif de potins


Si, par exemple, demain matin, ce qu’on appelle l’Amérique noire devenait un État souverain dans le continent de l’imposteur Christoforo Colombo, et qu’il fallait élire un président, Katt Williams remporterait aisément ces élections. Acclamé par les internautes pour son franc-parler, le nom du comédien, qui a personnifié Money Mike dans Friday After Next, est omniprésent sur les réseaux sociaux depuis son apparition à l’émission de Shannon Sharpe.

Au moment d’écrire ces lignes, plus de 28 millions de personnes ont visité YouTube afin de visionner l’interview dans laquelle Katt Williams révèle des secrets du merveilleux monde du showbizz.

28 millions de vues en quatre jours, c’est énorme.

C’est incontestablement suffisant pour garantir une visibilité nationale au Club Shai Shai, l’émission de l’ancien joueur de football Snannon Sharpe, et remettre Katt Williams à l’avant-scène du merveilleux monde du showbizz, s’il a encore des amis dans ce milieu.

Durant cette longue entrevue qui a duré 2h46, Williams a raconté comment Kevin Hart a accepté des rôles au cinéma qu’il a lui-même refusés. « Pendant cinq ans, chaque film dans lequel Kevin Hart apparaissait, le scénario se trouvait sur mon bureau, et je disais toujours : Si on retire un peu de cette merde de Stepin Fetchit (acteur afro-américain des années 1930), alors je le ferai », a-t-il fait savoir à Sharpe.

Katt Williams a également allégué que Steve Harvey portait une perruque à l’époque et que Cedrick The Entertainer lui a volé sa meilleure blague. Parmi les autres artistes qui ont été ciblés par Williams, notons Ludacris, Rickey Smiley, Tiffany Hadish et Michael Blackson, qu’il accuse d’être un vrai Africain imitant un faux accent africain.

Bref, les allégations de Katt Williams font exploser l’internet, et nous devons nous poser la question suivante :

Pourquoi accordons-nous autant d’importance à ce que dit Williams à propos de ses pairs ?

La réponse est à la fois simple et surprenante : le commérage fait partie de la vie humaine.

Dit autrement, nous aimons les potins, et encore plus ceux qui concernent les célébrités.

En effet, selon Robin Dunbar, un anthropologue de l’Université de Liverpool, qui aborde la question dans son livre Grooming, Gossip and the Evolution of Language, il serait difficile de maintenir une cohésion sociale sans le commérage.

Deux éminents chercheurs des universités Yale et Colorado corroborent la pensée de Dunbar en soutenant que le potin représente l’un des meilleurs outils pour nous comparer socialement les uns aux autres et développer des liens sociaux.

Par exemple, dans le milieu de travail, il existe souvent un employé « bouc émissaire » qui ne s’intègre pas bien sur le plan social et qui est l’objet de commérages. En parlant constamment dans le dos de leur collègue, ces employés commères tissent des liens plus serrés.

Avant le 19e siècle, le mot anglais « gossip » (venant du vieil anglais godsibb, qui signifie parrain ou marraine) se définissait comme la rencontre de la famille et des amis qui se rassemblaient pour fêter la naissance d’un enfant.

Or, au fil du temps, le mot commérage a pris une connotation plutôt négative et a été associé principalement aux femmes (discussions entre filles).

Bien sûr que Katt Williams a parlé dans le dos de Steve Harvey, de Kevin Hart, de Cedric The Entertainer et d’autres, mais nous ne devrions pas être offusqués, car nous le faisons tous, que ce soit en bien ou en mal.

En ce premier week-end de l’année, je ne serais nullement étonné ou même fâché que certaines personnes aient consacré quelques minutes de

leur temps pour parler de manière négative de mon style d’écriture ou de quelques de mes défauts.

Et pas plus tard que vendredi, lors d’une conversation téléphonique, un ami et moi avons philosophé sur les moments difficiles que traverse une connaissance.

Bien évidemment, nous avons parlé de politique, du sport et de la météo qui ne nous a pas offert un « Noël blanc » cette année, mais en général, en demandant pour un tel ou une telle, on finit par parler d’un cas particulier, malgré le fait que nous ne supportons pas les potins.

Enfin, il importe de noter que je n’encourage aucunement la médisance et les atteintes à la vie privée. J’aime tout simplement aller au fond des choses, c’est-à-dire mener une analyse plus ou moins rigoureuse afin de faire une réflexion autocritique.

Les allégations de Katt Williams sont-elles fondées ?

Je ne sais pas.

À vrai dire, je m’en fous, car la vie privée des gens riches et célèbres ne m’intéresse pas autant. J’ai regardé l’interview que Katt Williams a accordée à Shannon Sharpe avec l’objectif d’écrire sur le commérage, qui, disons-le encore, fait partie de la nature humaine.

Je tenais tant à dire que ce que nous voyons chez les autres est souvent notre reflet.

Pour être plus précis, les défauts qui nous irritent tant chez les autres sont généralement les nôtres.

Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

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