Opinions

Montréal : deux pompiers noirs et les propos incendiaires de leurs collègues racistes


Si vous êtes à la recherche de preuves appuyant l’existence du racisme systémique au Québec, ne cherchez pas plus loin que l’affaire Alberto Syllion et Jean-Alain Cameau, deux pompiers noirs de Montréal, qui ont déposé une plainte auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Pas de répit pour la communauté noire : la gent masculine est constamment chosifiée et humiliée par la police, tandis que les ambitions et les rêves des femmes noires sont souvent brisés par la jalousie du privilège blanc.

D’après le récit du lieutenant Alberto Syllion et de Jean-Alain Cameau, tous deux d’origine haïtienne, qui sont représentés par le groupe antiraciste la Coalition rouge, le mot n*gre résonne dans tous les coins des casernes du Service de sécurité incendie de Montréal (SIM) de manière incessante.

En fait, comme un hymne à la haine, certains pompiers de Montréal se servent du mot n*gre pour affirmer leur blanchité, leur insensibilité et leur fragilité.

Par exemple, Alberto Syllion, qui compte une quinzaine d’années au SIM, raconte qu’à la première journée de travail d’un jeune Noir qu’il a lui-même encouragé à devenir pompier, un lieutenant, qui s’est confortablement installé sous protectorat de la liberté d’expression, a cru nécessaire de répéter sans relâche, comme un perroquet, le mot n*gre en présence de la recrue.

Quel accueil hostile et sauvage d’un vétéran qui possède plus de 30 ans d’expérience comme pompier au SIM ! Ne devrait-il pas plutôt donner l’exemple à la jeune recrue ?

Bien que les perroquets ne comprennent pas ce qu’ils répètent, ces pompiers blancs sont bien au fait des conséquences émotionnelles de ce mot qui sort de leur bouche. Autrement dit, ils savent parfaitement que le mot n*gre symbolise une arme de destruction mentale qui ramène les Afrodescendants à la douloureuse période esclavagiste.

Si les allégations des pompiers Alberto Syllion et Jean-Alain Cameau sont fondées, il est correct de conclure qu’il existe une culture de racisme et de violence psychologique au sein du Service de sécurité incendie de Montréal.

De ce fait, nous devons nous poser la question suivante : quel message le SIM tente-t-il d’envoyer à la jeunesse noire ? Que dans la mépropole, le métier de pompier est strictement réservé aux personnes caucasiennes ?

En effet, en lisant les faits vécus et racontés par les deux plaignants dans les journaux, on se croirait dans les années 1950, où la xénophobie, la « négrophobie » (si vous me permettez ce terme) et le sexisme trahissaient la fragilité de l’homme blanc en Occident.

À cette époque, que ce soit au Québec ou ailleurs en Amérique du Nord, les travailleurs blancs considéraient les Noirs comme des voleurs de jobs qui créaient une concurrence déloyale en donnant « plus » que ce que le patron désirait.

Ce racisme anti-noir, qui était souvent traduit par le protectionnisme, sévissait également dans l’industrie du taxi de Montréal, au début des années 1980.

Or, aujourd’hui, plus d’un demi-siècle plus tard, je m’explique difficilement cette fragilité blanche au sein du Service de sécurité incendie de Montréal, sachant que le syndicat veille au grain et que moins de 1 % des pompiers montréalais seulement sont issus des minorités visibles.

Qu’est-ce qui pourrait donc pousser ces pompiers à racialiser et « eugéniser » les casernes du SIM, ainsi qu’à avilir leur métier, qui est pourtant noble et apprécié de la population, en déshumanisant leurs collègues noirs ?

Permettez-moi de répondre à cette question par d’autres questions !

Pourquoi le même problème subsiste-t-il à la télé, dans les médias et dans la fonction publique, où les Noirs ont de la difficulté à se frayer un chemin vers le sommet de leur profession ?

Pour quelles raisons pensez-vous qu’une femme noire qui devient soit gouverneure générale, cheffe d’un parti politique provincial, présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse ou présidente du Comité exécutif de Montréal se retrouve-t-elle au cœur de scandales publics et politiques ?

En écrivant ces dernières lignes, mes pensées accompagnent Dominique Olivier, qui traverse une période assez difficile. Je vous promets d’écrire sur cette histoire en intitulant le texte « Pour une poignée de dollars », à l’instar du western-spaghetti de Sergio Leone, mettant en vedette Clint Eastwood.

Voyez-vous, tous ces cas sont intimement liés au racisme systémique anti-noir.

Oui, c’est bien cela. Appelons un chat un chat plutôt que de le désigner comme un félin domestique !

C’est à nous de trouver les mots justes afin de briser la structure de ce système turpide qui nuit à la qualité de vie des Afrodescendants et à l’avancement de la société québécoise.

Pour revenir à Alberto Syllion, je l’ai rencontré pour la première fois lors d’une intervention des services de sécurité (fausse alarme de feu) à l’immeuble où j’habite, au centre-ville. On a un peu discuté et il était heureux d’apprendre que j’étais d’origine haïtienne, et j’étais fier de le voir diriger l’opération d’intervention.

Pour les jeunes de la communauté noire, il représente un modèle de succès et de persévérance.

Mais pour plusieurs de ses collègues, le lieutenant Alberto Syllion est un n*gre qu’ils prennent plaisir à harceler en l’enfermant régulièrement dans des stéréotypes et des préjugés négatifs.

Monsieur le président de la Commission des droits de la personne, il n’y a pas le feu, mais il y a urgence d’agir.


Je vous invite à participer à la conversation en laissant un commentaire un peu plus bas sur le site. Merci.

Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

4 Commentaires

  1. Très bien écrit. Merci Merci Merci! Toujours plaisant de te lire, tu as un timing incroyable.

    • Walter Innocent Jr. Répondre

      Merci beaucoup pour les bons mots, Ludmille. C’est grandement apprécié. À bientôt.

  2. Comme d’habitude très bien dit. Malheureusement, ce racisme anti-noir comme vous le dites si bien est niché au coeur même du système scolaire québécois. Je viens de terminer mon livre Noirs invisibles. L’école et la suite d’une oppression. Ce passé esclavagiste est encore présent au Québec. Un passé qu’il refuse d’admettre. Merci beaucoup pour vos réflexions !

    • Walter Innocent Jr. Répondre

      Merci à vous, Danielle, pour les bons mots. J’apprécie grandement. Et j’ai pris note du livre Noirs invisibles. Comme vous le dites, le Québec doit reconnaître ses comportements qui nous plongent dans un passé sombre.

      À bientôt, Danielle.

Laisser un commentaire